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L’art de l’affinage : quand le caillé devient fromage

Véritable symbole français, le fromage est le résultat de savoir-faire transmis de générations en générations. Mais saviez-vous que l’affinage est l’une des étapes clé dans la fabrication d’un fromage ? Pour en savoir plus sur ce savoir-faire unique et séculaire, partons à la rencontre de Thibaut VERDEL, affineur passionné et passionnant de la fromagerie MATOCQ à Asson, dans le Béarn.

Qu'est-ce que l'affinage du fromage ?

Tout d’abord, prenons une petite pause culture fromagère ! Saviez-vous qu’il existe, plus de 1200 variétés de fromages en France1 qui sont le fruit de terroirs uniques, de savoir-faire qui traversent les époques, de créations fromagères diverses, et de techniques d’affinage différentes ?

Le travail de l’affineur relèverait presque de l’« alchimie » ! Une fois que le lait est transformé « comme par magie en fromage frais » - comme l'indique Thibaut, c’est l’affinage qui va donner tout son goût et son caractère aux fromages qui vous seront ensuite présentés sur un plateau !

L’objectif de l’affinage est justement de donner son caractère au fromage : c’est en maitrisant les conditions de sa maturation pendant l’affinage que l’on obtient le goût et l’aspect souhaités. Selon la technique d’affinage utilisée et la durée de l’affinage, le fromage va développer des textures et des arômes différents.

Quel que soit le procédé utilisé, l’art de l’affineur consiste à accompagner les fromages à donner le meilleur d’eux-mêmes ! Et en faisant vivre ce savoir-faire, il fait perdurer un patrimoine gastronomique français unique au monde. Pour découvrir les secrets de ce métier, poussons maintenant les portes de la fromagerie MATOCQ où nous attend Thibaut VERDEL pour nous présenter son parcours et son métier d’affineur.

Comment devient-on affineur ?

Bonjour Thibaut, vous exercez une profession peu ordinaire ! Quel est votre parcours et comment êtes-vous devenu affineur ?

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Photographie de Thibaut Verdel (Copyright : Sylvain Malmouche)

« Je suis originaire du Béarn, j’ai la chance d’être né à Pau et d’avoir grandi près des montagnes Béarnaises que je parcours depuis toujours avec plaisir. Cette passion pour la nature si proche m’a conduit à faire des études en biologie. À ce moment-là, je n’avais jamais envisagé devenir affineur un jour ! Le déclic est survenu pendant mon cursus d’ingénieur agronome.

Lors de mon parcours ingénieur à Clermont-Ferrand, j’ai eu la chance de pouvoir découvrir et étudier les fromages d’Auvergne comme le Saint-Nectaire², le Cantal², la Fourme d’Ambert² ou encore le Salers². Quel plateau ! … je découvrais que la diversité fromagère française était vraiment extraordinaire. C’est à ce moment précis, je crois, que j’ai fait le choix de consacrer ma carrière à l’affinage des fromages, domaine assez méconnu pourtant si fascinant.

Après une première expérience fromagère en Bretagne, j’ai pu rejoindre la fromagerie Istara à Larceveau, au Pays Basque, en tant que Responsable de l’Affinage. Un poste que j’ai occupé pendant plus de 10 ans, période au cours de laquelle j’ai énormément appris. Il y a quelques années, j’ai eu l’opportunité de pouvoir revenir dans ma région natale du Béarn en tant qu’affineur pour la fromagerie MATOCQ, un véritable retour aux sources pour moi ! »  

Fromagerie-MATOCQ

Photographie de la fromagerie Matocq (Copyright : Laurent Pascal)

Pouvez-vous nous présenter cette fromagerie ?

« La fromagerie Matocq est située à Asson dans le Béarn, au pied des Pyrénées et au cœur d’une nature préservée. Ici tout est fait à la main, et nous pratiquons une technique d’affinage bien spécifique : l’affinage Béarnais. Depuis sa création en 1950 par Jean Matocq, la fromagerie a conservé toute son histoire et des valeurs fortes. Au quotidien, mon équipe, pour grande partie originaire de la vallée proche, reproduit des gestes ancestraux, issus des traditions d’affinage typiquement Béarnaises, avec des frottages humides qui développent une pâte plutôt souple et une couleur de croutage orangée caractéristique. J’ai la chance de pouvoir travailler sur une gamme de 22 fromages différents, au lait pasteurisé, comme l’Ossau-Iraty AOP, le Kaikou, ou l’Eguia, affiné 10 mois d’âge, mais aussi des fromages au lait cru, comme le Pur Brebis Fermier par exemple, fabriqués directement sur l’exploitation par nos producteurs fermiers partenaires. Chacun de ces produits ayant des spécificités bien particulières. »

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L’Equia Matocq, véritable pur brebis à « l’ancienne » (Copyright : Thierry Estadieu)

Comment affiner un fromage ? 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre métier d’affineur et les qualités indispensables pour fabriquer de bons fromages ?

«  Le métier d’affineur est avant tout un métier qui fait appel à tous les sens. Lorsque vous entrez dans une cave, vous plongez dans une ambiance très particulière. La vue, l’odorat, le toucher, sont essentiels pour sonder l’évolution des produits. Leur couleur, l’aspect de leur croutage, l’odeur de la cave, avec ses notes de pommes en début d’affinage et ses notes plus chaudes au bout de quelques temps….

Il faut bien garder à l’esprit qu’un fromage est avant tout un produit naturel et vivant : il évolue, se transforme, se bonifie, au cours du temps. Plus son affinage est long, plus sa texture va évoluer et plus il exprimera des arômes puissants.

Le rôle de l’affineur est donc de faire en sorte de bien ajuster les paramètres de température, d’humidité ou encore la ventilation et la qualité de l’air mais aussi de prodiguer les soins au bon moment pour que les fromages s’affinent de manière optimale et qu’ils aient des qualités exceptionnelles pour garantir une totale satisfaction au consommateur. »

Pourquoi selon vous le métier d’affineur est-il si passionnant ?

« Il y a de multiples raisons ! Pour commencer, ce qui me passionne c’est de faire vivre des savoir-faire transmis par ceux qui m’ont précédé. Chaque jour est unique, chaque année ou saison est unique. C’est pour moi un métier où l’on apprend de ses observations, de ses expérimentations, de ses erreurs aussi parfois

La passion réside aussi dans le côté complexe et empirique de cette activité. Savoir lire ce qu’il se passe en cave…. Connaitre la méthode ne suffit pas à faire un produit d’exception, il faut jongler avec le rythme des saisons, plus ou moins favorables à l’évolution des produits, s’adapter à de multiples facteurs qui peuvent modifier la bonne gestion de la cave et donc l’évolution des fromages (leur âge, présence de fromages jeunes ou vieux, cave vide ou pleine, présence ou pas d’air neuf, fréquence des soins, types de soins, caractéristiques même de la cave (dimensions, etc…), nature même des produits, etc…

C’est important pour moi, en complément de l’expérience de terrain, de continuer à me documenter et à me former régulièrement pour gagner en expertise, viser l’excellence fromagère, et partager mon expérience avec mes confrères et avec les jeunes générations.

Au-delà de la diversité des techniques que je suis amené à utiliser au quotidien pour affiner nos produits, ce qui me plait particulièrement dans ce métier, c’est aussi et surtout le lien de proximité avec les producteurs avec qui j’ai la chance d’entretenir de très belles relations, « aussi authentiques que nos fromages » ! Nous travaillons avec une quinzaine de producteurs fermiers des vallées environnantes. Ils fabriquent leurs fromages sur la ferme, avec le lait de leur troupeau, et que ce soit lorsqu’ils viennent à la fromagerie nous confier leur production, ou lors d’une visite chez eux, c’est toujours un moment très fort, d’échange et de partage. Cette partie de notre activité est notre ancrage au territoire, au terroir local, et représente notre vitrine et notre excellence. Selon moi c’est cet état d’esprit familial, que je m’efforce de cultiver auprès de mon équipe et de nos producteurs, qui fait toute la beauté de notre métier, et j’espère que cela se ressent dans la qualité de nos fromages. »

Vous l’aurez compris, bien plus qu’une technique, l’affinage est un art à part entière dont la maîtrise donnera tout son goût et toute son authenticité à chaque fromage.

Un grand merci à Thibaut VERDEL pour ce beau témoignage et tous ces bons fromages ! Et si vous êtes de passage dans le Béarn, pensez à faire un joli détour du côté d’Asson : l’équipe de la fromagerie Matocq vous proposera de déguster ses fromages dans sa boutique de vente directe !

Plus d’informations à savourer sur www.matocq.fr

 

1 Chiffre communiqué par le CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière) et relevé sur le site https://www.filiere-laitiere.fr/fr/fromages en mars 2023

² Les fromages mentionnés avec un ² sont des fromages AOP

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